Espoir, fierté, crainte, honte, colère… et quoi ensuite?

Publié le par Louis-Philippe

     Bon, qu’est-ce qui se passe dans ma vie? Eh non, encore une fois ce ne sera pas au menu de ce blog, pas encore. Y’a beaucoup plus important. Parce que, pour la première fois depuis que je voyage, j’ai envie d’être à la maison. Une envie déchirante. À la maison, pour la première fois depuis que je suis né (ou, en tout cas, la première fois depuis que je suis en âge d’y comprendre quelque chose), ça bouge. Des gens se sont levés.

     Depuis trois mois maintenant, je suis la grève. Combien d’heures passées dans des cafés internet à lire les nouvelles (et à ne pas voir les vidéos youtube pour cause de vitesse trop lente). D’incrédule au début, j’ai fini par prendre espoir. Me dire qu’au Québec, on n’est pas en Ontario, on ne va pas avaler la pilule comme j’ai du le faire à Ottawa il y a quelques années quand ils ont massivement augmenté nos frais. Au Québec, contre toute attente, il reste une conscience. Tous ces jeunes, ma génération, que je croyais largement apathique… Oh wow! J’en bavais de jalousie de ne pas pouvoir être avec eux.

     Puis, évidemment, j’enrageais devant l’inaction de notre gouvernement. Je ne reviendrai pas là-dessus, après tout ça fait déjà un moment que le débat fait rage chez nous. En fait, là où je veux en venir, c’est à la honte. J’ai honte. Massivement. Et pour plusieurs raisons.

 - Honte de moi, parce que je n’ai rien écrit en appui à ma cause depuis le début.
- Honte de moi un petit peu plus, parce que je suis ici à vivre un ‘’trip’’ pendant que ma famille, mes amis et ma génération se réveille. Non parce que, voir ma mère en colère, voir ma mère prendre position, voir ma mère se renseigner et refuser les injustices actuelles, ça, c’est triste de le manquer!
- Honte de voir à quel point nos principes officiels de société ne sont que des mots.
- Honte de voir comment nos institutions réagissent à une crise aussi légitime : en refusant d’en reconnaitre l’existence puis, après une période de négociations ‘’placébo’’, en la cognant. Fort.
- Honte, mais alors là honte, de nos gens! Et pas de nos jeunes, ou de nos vieux. Le clivage, quoi que l’on tente de nous faire croire, est beaucoup plus complexe qu’un simple conflit générationnel. Après tout, il y a bien des mémés avec les grévistes, et, malheureusement, bien des jeunes qui préfèrent voir leur intérêt avant celui de la société (tiens, un petit honte à eux).

     En fait, au début de la crise, j’ai tenté pendant un bon moment de refuser cet argument : ceux qui approuvent la hausse agissent par pur égoïsme. Après tout, ça envoi beaucoup de gens que je connais, que j’estime, dans le groupe des ‘’méchants’’. Mais je n’y arrive plus. Quand je vois comment on s’attaque aux étudiants, sous prétexte que tout le monde doit faire sa part pour payer notre dette (et la dette, en tant que concept même, parlons-en!), alors que c’est une goute d’eau en comparaison aux autres absurdités du pouvoir… C’est évident. On parle de frais étudiants pour ne pas parler des inepties du Plan Nord, pour ne pas parler de corruption en construction, pour ne pas parler des coupes MASSIVES d’impôts données aux entreprises. Alors, l’argument de l’argent, non. Je réfute.

     Donc, les gens qui approuvent, ce sont des égoïstes? Ça fait mal, non, quand on pense qu’ils seraient majoritaires au Québec? Évidemment, la hausse, on s’en fou un peu quand on gagne assez pour payer pour nos enfants. Ou pour que nos parents payent pour nous, ça revient au même. Évidemment, on préfère de loin payer un peu plus pour ne pas perdre une session, quand on en a déjà les moyens. Alors ici, ce n’est pas un honte, mais un petit coup d’admiration que j’envoi à tous ceux qui, ayant les moyens de ne pas se soucier des impacts de la hausse, s’en indignent quand même.

     Oh, mais il y a surement une porte de sortie à mon argumentation. Nous ne sommes pas tous complètements égoïstes, quand même. Accordé. Alors nous sommes ignorants. Je ne vois que cela : en connaissance des faits, en connaissance des développements, on ne peut pas rester pour, à moins de ne penser qu’à sa propre personne ou à la limite à sa famille. Et pour ceux qui ne sauraient pas, merde c’est le temps de lire, de discuter! Ça bouge au Québec, et ça, c’est positif!

     Mais tout ça ne se limite pas à la honte. Oh non, depuis quelques jours, ça va plus loin. Comme beaucoup j’imagine, je suis resté sonné, cogné, vidé par cette fameuse loi 78. Dans mon entourage, je le sais, on est étourdi. C’est le coup bas ultime, illégitime, violent, et surtout de la part d’un gouvernement dit démocratique… Pleurer? Crier? En général, je crois, c’est surtout le gros sentiment d’impuissance. Puis viens la colère, parce que soyons honnête, ça n’a PAS DE SENS. Avez-vous lu la loi? Si non, voici le lien! Bâillonnement des organisations étudiantes, refus de reconnaitre leur légitimité (après tout, quand les jeunes ne font pas ce qu’on leur dit, ben ils doivent aller dans leur chambre, non?), obligation FORCÉE pour les profs d’enseigner, refus de leur droit de faire la grève sur cette question, AUTORISATION obligatoire pour tout rassemblement de plus de 50 personnes, brimant même les droits d'organisation des syndicats en général (merde, même au Kyrgyzstan, ici, ce genre de loi n’existe pas!), et amendes massives pour toute dérogation… Et ça va passer? Je ne peux pas y croire, je ne veux pas y croire.

     On nous fait peur depuis le début à propos de la violence étudiante… Si, après ce texte vous n’avez toujours pas compris comment il est IMPOSSIBLE de ne pas se mettre en colère quand un mouvement est méprisé et écrasé à ce point… C’est incroyable que les étudiants aient étés aussi sage, au contraire! Alors, pour vous, je ne sais plus quoi faire. Quoi dire. Peut-être qu’il n’y a simplement rien à faire…

     Alors voila. J’approuve la grève. Je comprends qu’on puisse hésiter à s’impliquer, même si on approuve la cause. Je sais qu’on peut simplement ne pas se sentir concerné (mais aller, c’est de notre Québec qu’il est questions!) Je conçois difficilement qu’on puisse approuver la hausse. Je rage qu’on puisse approuver l’usage répandu de la violence étatique que l’on subi ces jours-ci. Je méprise qu’on puisse accepter l’installation d’un régime quasi policier, despotique et népotiste.

     Mais, au final, et malgré tout, je suis fier. Des gens parlent, et ça, je ne l’avais jamais vu chez moi. Et ils sont nombreux. Cette fierté, ensuite, amène l’espoir. Après tout, s’il y a crise, c’est d’abord et avant tout parce que tous ne sont pas près à se laisser dominer par un gouvernement, par une institution (si je m’oppose à un Jean Charest, je m’oppose davantage à tout ceux qui l’appuient et le suivent!). Des gens, jeunes et vieux, défendent nos valeurs de justice et d’égalité, et ça dans des conditions dégueulasses. Et ça, ça me donne espoir.

     Alors, je conclus sur ceci : un petit lien. Ou deux. Un refus d’accepter une loi monstrueuse et l’idée que les événements des 100 derniers jours ne sont que le fait de voyous. Un pétition pour faire rapide et simple, et une grosse idée si vous voulez en faire plus! Je ne force personne, évidemment… Mais que j’ai hâte de rentrer chez moi!


www.loi78.com


www.arretezmoiquelquun.com

Publié dans Reflexions

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K
Nous, chez toi, on a foutrement hâte que tu rentres chez nous! Mais tu verras; à la répression politi-polici, la solidarité du "nous" imprégnée d'un refus de s'incliner devant le non sens répond et<br /> sonne ses casseroles de plus bel partout chez nous :)) Je t'adore! Cette lutte est sociale et n'appartient pas aux seuls étudiants!!! Les casseroles le prouvent...enfin! :))
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L
wow ! Faudrait penser à importer quelques français pour vous aider à organiser tout ça :) Encore que nous on a la chance d'avoir des universités publiques pour 600€/an, on est plutôt<br /> privilégiés...<br /> <br /> Au plaisir de te relire, et pourquoi pas de se revoir !<br /> <br /> Loïc de dushambé
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